Blockchain : quels types de données sont transmis hors chaîne ?

17 août 2025

Les données inscrites sur une blockchain ne peuvent être ni modifiées ni effacées, ce qui entre en contradiction directe avec le droit à l’oubli imposé par le RGPD. Pourtant, certaines informations essentielles au fonctionnement des applications décentralisées ne transitent pas par la chaîne principale et sont stockées ailleurs, sous des formes variées et avec des niveaux de sécurité inégaux.

La distinction entre données on-chain et off-chain soulève des questions majeures en matière de confidentialité, de responsabilité et de conformité réglementaire. Les flux de données hors chaîne constituent l’un des points les plus sensibles pour la gestion des informations personnelles dans les systèmes reposant sur la blockchain.

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Comprendre la blockchain : fonctionnement et circulation des données

Dès sa conception, la blockchain repose sur un principe simple mais redoutablement efficace : distribuer la confiance à travers un registre décentralisé. Chaque bloc accueille une série de transactions, validées puis intégrées à une chaîne de blocs par un ensemble de nœuds répartis dans le monde. Ce mécanisme ne tient que grâce à des protocoles de consensus : la preuve de travail pour Bitcoin, la preuve d’enjeu pour Ethereum. Ces procédés, parfois décriés pour leur consommation énergétique, mobilisent la puissance de calcul du réseau et verrouillent l’intégrité des données.

Mais la réalité de la transmission d’informations dépasse largement la seule visibilité sur la chaîne. Les smart contracts, ces programmes auto-exécutables, font régulièrement appel à des sources extérieures via des oracles. Ce passage vers l’extérieur ouvre la porte à des flux de données hors chaîne. Les échanges entre utilisateurs, l’emploi de sidechains, ou l’utilisation de solutions comme le Lightning Network, multiplient les canaux parallèles.

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Pour comprendre la mécanique, il faut aussi évoquer certains éléments fondamentaux du socle technique :

  • les hashs, qui garantissent l’authenticité et la traçabilité de chaque bloc ;
  • les clés privées, indispensables à toute signature de transaction ;
  • la synchronisation continue entre les nœuds du réseau.

La promesse de transparence de la blockchain publique ne doit pas faire oublier ces flux latents, souvent invisibles pour l’utilisateur lambda. Dans l’industrie ou la logistique, les blockchains privées se multiplient et, avec elles, les exemples où la donnée quitte le registre principal, que ce soit pour protéger des secrets commerciaux ou accélérer des processus.

Quelles données personnelles peuvent sortir de la blockchain ?

Sur la blockchain, chaque transaction se lit à livre ouvert, mais l’identité des individus demeure cachée derrière une clé publique, une suite de caractères impersonnelle. Pourtant, le danger de voir des données personnelles s’échapper du registre est bien réel. Les smart contracts, par exemple, font fréquemment appel à des informations issues de l’extérieur grâce à des oracles. Ces intermédiaires injectent dans le protocole des éléments du monde réel : identité, coordonnées, références bancaires, justificatifs d’adresse…

Mais l’aventure ne s’arrête pas aux simples transactions enregistrées sur la chaîne de blocs. Dès lors qu’une application blockchain dialogue avec un système traditionnel ou un partenaire tiers, qu’il s’agisse d’un prestataire de paiement, d’un fournisseur d’identification ou d’un acteur de la supply chain, certaines données sensibles transitent hors de l’infrastructure décentralisée.

Voici quelques exemples typiques de données qui quittent la blockchain lors de ces interactions :

  • Adresses IP lors de la connexion à un nœud
  • Identifiants créés à l’ouverture d’un portefeuille numérique
  • Preuves d’identité envoyées à des prestataires de conformité

La protection des données s’invite alors dans le débat. Les problématiques dépassent la technique pure : transferts de données hors frontières, détermination d’un responsable de traitement, recours à des tiers de confiance… Autant de questions qui se posent dès que l’on sort du cadre strict du registre décentralisé. L’utilisation de sidechains ou du Lightning Network accentue encore cette complexité, car ces technologies exigent parfois de sortir temporairement certaines informations du réseau principal pour fluidifier les transactions.

RGPD et blockchain : quelles obligations pour les acteurs ?

Le RGPD impose ses règles à toute organisation traitant des données personnelles dans l’espace européen. La blockchain, malgré sa nature décentralisée, n’y échappe pas. La désignation d’un responsable de traitement cristallise les tensions : la responsabilité incombe-t-elle à tous les nœuds du réseau, à l’entité éditrice, ou au créateur d’un smart contract ? La CNIL, dans ses recommandations, insiste sur la nécessité de clarifier les responsabilités dès la phase de conception.

Les blockchains privées, comme Hyperledger ou R3, simplifient l’identification du responsable juridique. Les réseaux publics, tels que Bitcoin ou Ethereum, rendent cet exercice nettement plus complexe. La question se fait encore plus ardue avec la multiplication des transferts internationaux de données : la plupart des nœuds se trouvent bien souvent hors d’Europe. Le CEPD (Comité européen de la protection des données) recommande une analyse fine des flux et une documentation rigoureuse des traitements réalisés.

Obligations clés à respecter

Pour rester dans les clous, les acteurs de la blockchain doivent suivre certaines règles précises :

  • Informer les utilisateurs sur la nature et l’objectif des traitements réalisés hors chaîne
  • Permettre l’exercice des droits (accès, rectification, effacement), même si une partie des données n’est pas stockée sur la chaîne de blocs
  • Encadrer légalement les transferts internationaux via des clauses contractuelles adaptées ou des dispositifs reconnus

La France, notamment via la CNIL, se saisit activement du sujet : des groupes de travail tentent de conjuguer innovation technologique et exigences liées à la vie privée. Pour les projets blockchain, anticiper la gestion des données hors chaîne n’est donc plus une option : il s’agit d’une condition pour avancer sereinement.

données hors chaîne

Garantir la conformité : défis et pistes pour maîtriser les transmissions hors chaîne

Dès qu’il s’agit de confidentialité ou de volumétrie, les solutions de stockage et de transfert hors chaîne deviennent incontournables. Pour garder la main sur la conformité, il faut d’abord dresser un inventaire précis des données personnelles qui quittent la blockchain : logs de connexion, identifiants, justificatifs d’identité, voire documents commerciaux dans le secteur de la supply chain. Cette cartographie conditionne la réussite d’un audit RGPD.

La diversité des architectures ne facilite pas la tâche. Un smart contract déployé sur une blockchain publique ne traite pas les flux comme un réseau privé Hyperledger, où l’on identifie plus facilement le responsable de traitement. Les transferts internationaux de données compliquent encore l’équation : chaque acteur doit prouver la légalité des flux sortants hors Union européenne, en s’appuyant sur les recommandations de la CNIL et du CEPD.

Face à ces enjeux, plusieurs approches permettent de renforcer la sécurité des transmissions hors chaîne :

  • Restreindre l’accès aux bases de données hors chaîne grâce à des contrôles d’identité stricts et une traçabilité complète des opérations
  • Établir des clauses contractuelles types avec les partenaires hors Europe, en utilisant les modèles validés par la Commission européenne
  • Mettre en place des mécanismes de pseudonymisation ou de chiffrement dès la conception, pour limiter l’exposition des données personnelles

En France, la dynamique est portée par des expérimentations associant la CNIL et des consortiums comme GS1. Les initiatives qui anticipent la gouvernance des flux hors chaîne et qui consignent chaque étape du traitement prennent une longueur d’avance. La conformité ne se joue plus sur le papier, mais sur le terrain, à chaque transaction, à chaque innovation.

Demain, la frontière entre chaîne et hors chaîne continuera de s’effacer. À ceux qui sauront en garder la maîtrise, le futur de la blockchain appartient.

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